Créations

On peut détourner le regard (l'Elimination #1)

La Compagnie provisoire & La Compagnie Jean-Sébastien Rampazzi 

Mise en scène / Julien Guill, assisté de Mathilde Tournyol du Clos
Chorégraphie / Jean-Sébastien Rampazzi
Interprétation /  Karina Pantaleo, Sébastien Portier, Jean-Sébastien Rampazzi, Fanny Rudelle
Création sonore / Alexandre Flory

Durée estimée / 50 mn

 

Note d’intention par Julien Guill
Nous proposons des «regards croisés» sur l‘Élimination de Rithy Panh. Un témoignage du cinéaste rescapé du processus d’extermination organisé par les Khmers rouges au Cambodge.
Nous voulons croiser les regards d’un metteur en scène et d’un chorégraphe à partir d’un écrit produit par un cinéaste accompagné d’un romancier. Et ce sont ces différents croisements que nous voulons mettre en scène. Ils vont nous permettre de construire la dramaturgie à partir des expériences sensibles que les interprètes vont traverser chacun depuis sa pratique. Comment nous allons pouvoir les mêler pour porter un peu plus près le témoignage de Rithy Panh.

Nous travaillons à partir de trois variations, qui représentent chacune un temps particulier de ce témoignage.
La première variation, On peut détourner le regard, est une superposition des questionnements et des doutes qui surgissent en Rithy Panh suite aux entretiens avec Duch.
Qu'est-ce qu'implique la déshumanisation d'une nation entière.
La deuxième variation, Marcher, ce sont les années d'enfer (1975-79) dans les camps de travail Khmer rouge.
La troisième, Duch, est la retranscription des entretiens avec le tortionnaire.
Toute la dramaturgie consiste à créer trois formes autonomes et distinctes. Trois variations se mêlent autour de ce qu'est pour nous L'Elimination, et nous allons finir par les assembler en une seule pièce. 

Comment restituer ce témoignage?
Par des «faits» ou des «impressions» ? L‘Élimination est la parole d’un rescapé. Elle alterne entre le combat, au présent, que mène un survivant par le biais du cinéma et les récits de sa survie trente ans plus tôt durant l’extermination de sa famille par un régime totalitaire. Rithy Panh a trouvé la force de se confronter aux responsables du génocide et de les questionner. Nous voulons rendre compte de cette démarche. Tout simplement pour que cette mémoire reste vive. Car elle nous concerne. Elle pose l’inextricable question des bourreaux. Certes il y a l’émotion qui nous saisit face à l’inconcevable mais il y a aussi, surtout, et c’est ce que montre Panh, des individus qui envisagent, pensent, mettent en place, et construisent un processus d’extermination. Il y a des responsables. Qui sont-ils?
Rithy Panh ne cherche pas à résoudre cette question mais au contraire à la maintenir activement. Il nous interroge. Il invite à la vigilance.

Comme espace nous avons choisi la cuisine. La cuisine comme lieu du quotidien. Lieu à la fois de vie et de rite. Dans la préparation comme dans la consommation. Depuis cet espace (ou l’évocation de cette espace) les interprètes se laissent gagner par l’ «Elimination». Ils travaillent sur cette relation qui se tisse entre la victime et son bourreau. L’atmosphère qui s’en détache. Ils l’interprètent. Il est question de solitude, d’absence, de manque, d’attente, d’évasion, de doute, de mensonge, de marche, de course et de fuite.
Et les trois corps et les trois voix des interprètes avec chacun leur expérience, leur pratique et leur singularité se mêlent et s’emparent du combat d'un survivant.